Rencontre : Textes de l'exposition
Encounters : Texts of the exhibition
[…] Ayant grandi au Nunavik, jusqu’à l’âge de dix ans je ne me suis déplacée qu’en traîneau à chiens avec ma famille. C’est de là que provient mon attachement à la glace, à la neige et à un mode de vie axé sur la chasse. À mes yeux la magnificence de la glace et de la neige représente ce qu’il y a de mieux en termes de vie et de subsistance. C’est ce rapport initial à la nature ainsi que le sentiment de la communauté qui donnent un sens à mon engagement pour la protection des terres majestueuses et de paysages de glace de nos contrées inuits.
[…] Les Inuits vivent dans l’Arctique depuis des millénaires. Notre culture et notre économie sont le reflet de la terre et de ce qu'elle offre : nous sommes profondément liés à la terre et à la glace. Notre lutte pour prospérer dans le plus rude des environnements nous a fourni les outils nécessaires pour survivre dans le monde moderne. Humaine et respectueuse, notre vision du monde, qui perçoit toutes choses liées entre elles, contribue actuellement à éclairer de façon significative le débat mondial sur le changement climatique.
Par
Sheila Watt-Cloutier
Extrait de sa préface de Nunavik — Québec inconnu, 2010
Avec permission
[…] Having grown up in Nunavik, until the age of ten I travelled by dogsled with my family. This is how I grew a strong attachment to ice, snow, and a lifestyle based on hunting. In my eyes, the magnificence of ice and snow represents what is best in terms of life and subsistence. It’s the initial connection with nature as well as the sense of community that give meaning to my engagement for the protection of our majestic land and ice landscapes of Inuit territory.
[…] The Inuit have lived in the Arctic over a millennium. Our culture and economy reflect the land and what it has to offer : we are profoundly connected to the land and ice. Our battle to prosper in the harshest environments has equipped us with the necessary tools to survive in the modern world. Humane and respectful, our vision of the world, which perceives all things as interrelated, currently contributes to enlightening in a significant way, the worldwide debate on climate change.
By
Sheila Watt-Cloutier
Excerpt of her preface on Nunavik — Quebec Unknown, 2010
With permission
Je voulais t’amener là où rarement un étranger a mis les pieds. Là où le train te mène, où il se décharge de toi et de tous tes bagages, si essentiels dans un lieu désert. L’endroit dissimulé derrière une forêt d’épinettes qui offre en hiver la claire blancheur d’un lac gelé, la même couleur que celle de ta peau. Je voulais que tu vois la forêt vierge jusqu’à sa racine, que tu entendes le parfait silence de la brise à la brunante. La nuit, nous nous serions couchés sur la neige épaisse, habillés en esquimaux, nous aurions admiré les aurores de janvier. En amoureux. Tu aurais coupé le bois qui le soir nous aurait réchauffés. J’aurais fait bouillir la soupe et cuire le pain pour t’entendre dire : Ça réchauffe le cœur.
Tu as vu la réserve, les maisons surpeuplées, la proximité, la clôture défaite, les regards fuyants. Tu as dit : Juste un peu de gazon, puis ce serait correct. On a dormi dans la maison de mon enfance. Mais ce que j’aurais aimé partager, c’est cette indicible fierté d'être moi, entièrement moi, sans maquillage et sans parfum, dans cet horizon de bois et de blancheur. De grandeur, qui rend humbles même les plus grands de ce monde. En suivant la route du caribou, tu aurais vu la ténacité des hommes devant
le froid, plus vivants que jamais, enfin dans leurs coutumes. Puis, au retour de la chasse, il y aurait eu du lièvre et de la banique, du thé sucré pour vous réchauffer. Tu aurais habité pour quelques jours la terre de mes ancêtres et tu aurais compris que le gazon ne pousse pas naturellement sur le sable.
I wanted to take you to where strangers have rarely set foot. To where they train takes you, where you are discharged with all your baggage, so essential in a barren place. The area dissimulated behind a spruce forest that offers clear whiteness of a frozen lake during winter, the same as the colour of your skin. I wanted you to see the forest bare all the way to its roots, that you hear the perfect silence of the hazy breeze. At night, we would have lain on the thick snow, dressed up as Eskimos, we would have admired the Aurora of January. As lovers. You would have cut the wood that at night would have kept us warm. I would have boiled soup and baked bread to hear you say: It warms my heart.
You saw the reserve, the overcrowded houses, the proximity, the demolished fence, the fleeing gazes. You said : Just a bit of grass, and it would be alright. We slept in my childhood home. But what I would have liked to share, is this indescribable pride of being myself, entirely me, without makeup and without perfume, in this horizon of woods and whiteness. The greatness, that humbles even the greatest figures of this world. By following the route of the caribou, you would have seen the tenacity of the men facing the cold, more alive than ever, finally in their customs. Then, returning from the hunt, there would have been hare and bannock, some sweet tea to warm up. You would have inhabited for several days, the land of my ancestors and you would have understood that the grass doesn’t grow naturally on the sand.
Par
Naomie Fontaine
Extrait de Kuessipan (2011)
Avec permission
By
Naomie Fontaine
Excerpt from Kuessipan (2011)
With permission
Pensées dans l'air
Au-delà des longues nuits boréales,
Au-delà des nombreux vents violents,
Il existe des animaux sauvages,
Qui depuis la nuit des temps voyagent instinctivement,
De haut je regarde ce territoire,
Les couleurs de la terre et de la mer,
Tranquillement je commence à comprendre,
La raison qui nous rend si fiers,
Mon arrière-grand-père n’avait pas de temps pour se questionner,
En se réveillant il se donnait tout simplement à la vie,
Mon arrière-grand-mère était la maîtresse du foyer,
Elle tenait serrée sa famille,
Moi, j’ai migré vers le sud par ma propre intuition,
Ma sensibilité demeure identique malgré tout,
Qu’importe où je suis, je chercherai toujours l’horizon,
Même s’il ne sera jamais aussi vaste que mon chez-nous.
Thoughts in the air
Beyond the long Borealis nights,
Beyond the numerous violent winds,
There exists wild animals,
That since the dawn of time, travel instinctively,
From above I look at this territory,
The colours of the earth and the sea,
Slowly I begin to understand,
The reason we are so proud,
My great-grandfather didn’t have time to question himself,
Waking up, he simply devoted himself to life,
My great-grandmother was the head of the house,
She held on tightly to her family,
Me, I migrated towards the south by my own intuition,
My sensibility remains identical after all,
No matter where I am, I always search for the horizon,
Even if it will never be as vast as home.
Par
Elisapie Isaax
Extrait de Nunavik — Québec inconnu, 2010
Avec permission
By
Elisapie Isaax
Excerpt from Nunavik — Québec inconnu, 2010
With permission
Fière descendante innue, ses ancêtres étaient de bons chasseurs et étaient entourés d’une aura très mystique et spirituelle. Elle a passé la majeure partie de son enfance auprès de ses grands-parents au milieu de l’immensité de leur territoire ancestral. Pour elle, c’était un lieu apaisant et extraordinaire comme si celui-ci provenait d’un rêve. Il y eut un soir du tonnerre, des éclairs et une pluie abondante qui l’effrayèrent et sa Kukum (grand-mère) lui dit : « Nussim (ma petite fille) sois brave et courageuse ». Depuis ce jour, elle décida de porter le masque de la bravoure et du courage afin de faire honneur à ses aïeux. Ses grands-parents lui ont tellement enseigné sur les méthodes traditionnnelles en forêt qu'elle tirait une fierté et l'honneur de faire partie de cette nation.
Proud Innu descendent, her ancestors were good hunters and were surrounded by a mystical and spiritual aura. She passed most of her childhood with her grandparents in the middle of the immensity of their ancestral territory. For her, it was a peaceful and extraordinary place like that of a dream. There was a night of thunder, lightning, and down-pouring rain that frightens her and her Kukum (grandmother) tells her : “ Nussim (my little girl) be brave and courageous .” Since that day, she decided to wear a mask of braveness and courage to honour her ancestors. Her grandparents have taught her so much on the traditional methods in the forest that she drew pride and honour to be part of this nation.
Par
Myriam (Charmante) Labbé
Extrait de Une promenade en forêt (2016)
Avec permission
By
Myriam (Charmante) Labbé
Excerpt from A walk in the forest (2016)
With permission
[…] Villages innus ou inuits, tous, ils ont en commun, trop souvent, la tristesse. Je ne dis pas la « laideur ». Je dis la tristesse des maisonnettes (le plus souvent de style « bungalows ») placées en rangées, exactement comme dans les banlieues du Sud. Tristesse profonde provoquée par la vue des poteaux innombrables, avec les rangées de fils électriques tirées entre les toits, comme pour diminuer d’autant la joie simple de regarder passer les vols d’outardes. L’organisation physique des villages autochtones contemporains, accompagnée de tous les artéfacts de la civilisation sudiste, ne peut que contribuer à une réelle morosité qu’on ressent trop souvent dès qu’on aborde la Côte-Nord ou qu’on se pose au Nunavik. Bien sûr, il y a quelques exceptions ; à l’occasion, quelqu’un ose bâtir sa propre maison en la logeant au fond d’une petite baie, bien que de cette façon, il déroge aux règles établies. C’est ce même Nordiste qui choisit parfois de construire selon des plans architecturaux originaux, préférant les rondeurs plutôt que les angles droits, les courbes plutôt que les carrés. Tout est possible. Tout doit rester possible, à partir de maintenant, afin que les villages nordiques redeviennent « beaux », qu’ils soient innus ou inuits ou cris ou naskapis ou anishnabés. Car il y a véritablement lieu de faire un lien entre les laideurs villageoises du Nord et la tristesse d’âme de certains êtres plus fragiles qui finissent, trop souvent, par se suicider. Le problème du suicide chez les Nordistes est bien entendu plus vaste que le seul problème des aménagements architecturaux. Mais osons croire que le fait de permettre aux gens du Nord qu’ils contribuent à l’invention de leurs propres lieux ne pourra qu'amener plus de fierté, plus joie, plus de santé. […]
[…] Innus or Inuit villages, all of them, they have in common, too often, sadness. I do not mean “ugliness.” I mean the sadness of the small houses (most often bungalows) placed in rows, exactly like in the suburbs of the South. Profound sadness provoked by the view of countless poles, with the rows of electric lines pulled between roofs, as if to diminish the simple joy of looking at the passing flight of bustards. The physical organization of the contemporary native villages, accompanied by all the artifacts of the southern civilization, can only contribute to the genuine despair that we feel much too often as we approach the North Shore or land in Nunavik. Of course, there are several exceptions ; on occasion, someone dares build their own house by settling at the end of a small bay, although this way, they derogate the implemented rules. It’s this same Northerner that sometimes chooses to build according to original architectural plans, preferring roundness to right angles, curves rather than squares. Everything is possible. Everything must remain possible as of now so the northern villages become “beautiful” again whether Innu or Inuit or Cree or Naskapi or Anishnabe. As there is a veritable opportunity to establish a link between the ugliness of Northern villages and the spiritual sadness of certain more fragile beings that end up, too often, by committing suicide. The problem of suicide for Northerners is, of course, vaster than simply the problem of architectural planning. But let’s dare believe that the fact of permitting the people of the North to contribute in interventions on their own ground could only bring about more pride, more joy, more health. […]
Par
Jean Désy
Préface de Habiter ici (2017)
Avec permission
By
Jean Désy
Preface of Inhabiting Here (2017)
With permission
À Ivujivik, mes rêves sont lucides, je suis chez moi et à deux pas de la nature où tout le monde a des opportunités semblables. Je peux voir des ours polaires par ma fenêtre et des girafes par ma fenêtre numérique.
Le foyer d’artistes, chasseurs, pêcheurs et innovateurs qui travaillent avec peu de ressources tout en ayant un impact relativement large; Ivujivik est une petite communauté qui n’est pas intimidée par la taille et qui collabore bien avec les autres.
La communauté la plus nordique du Nunavik est sombre au sol et éclairée par le ciel durant l’été, l’hiver amène l’obscurité dans le ciel et la lumière sous nos pieds; c’est la communauté où le contraste est aussi présent qu’une personne. Il n’y a pas d’animaux durant l’hiver, mais des centaines de milles sur une île devant la baie. Il y a deux cultures, systèmes d’éducation, diètes et visions du monde qui s’opposent et tentent de soutenir des versions saines et viables plus convenables pour les générations futures.
Ivujivik is where my dreams are lucid, I am at home and a few footsteps away from nature where everyone has similar opportunities. I can see polar bears through my window and giraffes through my digital window.
A home to artist, hunters, fishers and to innovators who work with little resource yet making relatively large impacts ; Ivujivik is a small community that is not intimidated by size and that collaborates well with others.
Nunavik’s northern most community is dark on the ground and bright from the sky in summer, the winter brings the darkness up in the sky and light under our feet; it is community where contrast is as present as a person. There aren’t many animals in winters but hundreds of thousands in one island in front of our bay. There are two opposing cultures, education systems, diets and world views that are trying to bore healthy and viable versions that will best suit our future generations.
Par
Thomassie Mangiok
Designer graphique
Avec permission
By
Thomassie Mangiok
Graphic designer
With permission
[…] les procédures d’allocations de maison doivent être équitables. Ce concept, voulu comme un mécanisme de justice sociale, cadre au contraire l’habitation comme un droit universel dans les réserves et efface par inadvertance la perception des responsabilités et obligations des locataires envers les Nations.
Je pense qu’historiquement nous étions des Nations souveraines et responsables qu’envers nos membres. Je pense aussi que nos grands-parents étaient braves, intègres, indépendants, responsables et résilients. Que nos ancêtres croyaient que l’intérêt de la nation primait sur l’intérêt individuel. Que les décisions étaient prises dans le respect de nos traditions et investissaient dans le bien-être de nos enfants. Je pense, par contre, que ma vision de notre identité s’érode avec le temps.
Nos jeunes revendiquent, à juste titre, leur droit, mais se soucient peu de leur responsabilité. Nos jeunes blâment les injustices historiques pour justifier leur dérapage. Nos nations sont dépeintes comme des victimes perpétuelles sous la tutelle des finances canadiennes. Nous devons aujourd'hui, sans tarder, tous et chacun contribuer à combattre cette vision de notre identité. Car ce n’est pas nous. Je refuse de voir dans le miroir une victime des 500 dernières années. Je refuse qu’on dise de mon fils qu'il est une victime. Oui, il existe toujours des injustices que nous devons combattre, mais nous pouvons les combattre en tant que peuple résilient plutôt qu’un peuple historiquement et perpétuellement victime.
Par
Bryan Decontie
Avec permission
[…] the housing allocation procedures must be equitable. This concept, seen as a mechanism of social justice, in contrast sets a framework for housing as a universal right in the reserves and erases by inadvertence the perception of tenant responsibilities and obligations towards the nations.
I think that historically we were sovereign and responsible nations uniquely towards our members. I also think that our grandparents were brave, honest, independent, responsible and resilient. That our ancestors believed that the interest of the Nation predominated on individual interest. That the decisions were taken in respect of our traditions and invested in the well-being of our children. I think, though, that my vision of our identity erodes with time.
Our youth claim, justifiably, their right, but seldom worry of their responsibility. Our youth blame the historic injustices to justify their divergence. Our nations are depicted as perpetual victims under the guardianship of Canadian finances. Today we must, without delay, each and all contribute to battle this vision of our identity. As this is not us. I refuse to look in the mirror and see a victim of the past 500 years. I refuse that my son is spoken of as a victim. Yes, there continues to exist injustices that we must battle, but we can contest them as a resilient people rather than a historically and perpetually victimized people.
By
Bryan Decontie
With permission